A Londres, un concert d’ABBA dans la quatrième dimension (2024)

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Le groupe suédois se reforme… virtuellement, avec un concert à base d’images de synthèse. Un prodige de technologie, qui interroge sur le sens des réalités.

ParEric Albert(Londres, correspondance)

Publié le 10 juin 2022 à 00h31, modifié le 10 juin 2022 à 08h23

Temps de Lecture 3 min.

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A Londres, un concert d’ABBAdans la quatrième dimension (1)

A la fin de la première chanson, alors que les fans se délectent de l’incroyable prouesse technologique du début du concert, Benny Andersson s’approche de la foule et pose une question à donner le vertige: «Etre ou ne pas être? Ce n’est plus la question.» Le membre d’ABBA qui s’adresse ainsi avec un petit sourire aux quelque 3000 spectateurs en liesse a 33ans, paraît plus vrai que nature, mais n’existe pas. Il s’agit d’un hologramme. Ou, plus exactement, de la projection en trois dimensions d’une image de synthèse, la direction du concert insistant pour ne pas employer le mot «hologramme».

Quelle que soit la technologie utilisée, ça marche. Pendant une heure et demie, le vendredi 3 juin, ABBA est sur scène, dansant, chantant, enthousiasmant la foule. Mais pas n’importe quel ABBA: les quatre membres du groupe suédois, âgés aujourd’hui de 72 à 77ans, apparaissent avec leurs tenues et leurs visages de 1979, quand ils étaient la sensation du moment. Tout y est: les vêtements disco, les imbattables tubes (Mamma Mia!, Gimme! Gimme! Gimme!, The Winner Takes ItAll…) et l’envie irrésistible de danser.

De la salle, impossible de dire que les quatre personnages qui se déhanchent sur scène ne sont pas présents. Entre les chansons, ils parlent au public, font des pauses, laissent les fans rire de leurs blagues… Seuls les «gros plans» projetés sur les écrans géants (avec d’autres images de synthèse) donnent le sentiment d’un jeu vidéo, avec un aspect légèrement trop lisse pour être réel. Mais, entre le spectaculaire jeu des lumières, les décibels à fond et simplement le plaisir de retrouver l’un des groupes de pop les plus célèbres de l’histoire, le léger décalage est vite oublié. «Etre ou ne pas être» n’est plus une question: ABBA a fait entrer les concerts dans la quatrième dimension, celle qui permet le retour dans le temps.

Juteux filon commercial

«La dernière fois qu’on s’est produits à Londres remonte à 1979», rappelle l’avatar de Benny Andersson à la foule. Celle-ci est dans l’ensemble suffisamment assez âgée pour s’en souvenir. Dans la salle, les cheveux gris frappent des mains, les calvities se dandinent, les parents ont emmené leurs enfants adultes pour se prendrequelques instants pour des dancing queens.

Debra Leigh et Orna Rowson avaient 12 et 16ans quand ABBA était à son apogée. Elles étaient trop jeunes pour avoir eu la chance de les voir en vrai. «C’était le grand concert que j’avais manqué», s’enthousiasme Orna, conquise par la prestation. Et déjà, elle anticipe l’avenir: «Après ABBA, je suis sûre que les prochains concerts de ce genre seront les Beatles ou Queen.» Un juteux filon commercial est né. Avec des billets pouvant dépasser 150euros, des «packages» avec hôtel qui frôlent pour certains 400euros, leverre de vin à l’entrée à 8euros, les quatre membres d’ABBA ont de quoi rentabiliser leur projet.

On se retrouve quelque part entre la séance de cinéma en trois dimensions et le parc d’attractions

L’affaire est d’une ampleur phénoménale. L’idée est née il y a cinq ans, initialement autour d’hologrammes, puis d’une technologie développée par la société d’effets spéciaux Industrial Light &Magic (ILM), derrière des séries ou films comme Ultraman ou TheBatman. Pendant cinq semaines, les quatre membres d’ABBA ont été filmés par 160caméras en train de chanter, habillés de drôles de combinaisons bourrées de détecteurs. Cette base «réelle» a ensuite été transformée numériquement: les hanches ont été amincies, les rides ont disparu, les années sont revenues en arrière. «C’est la magie de cette expérience, assure Ludvig Andersson, coproducteur du spectacle et fils de Benny. Quand vous voyez ce spectacle, ce n’est pas une copie ou des gens qui prétendent être ABBA. C’est vraiment eux.»

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Un bâtiment a été fabriqué spécialement pour l’occasion. L’ABBA Arena, située dans l’ancien parc olympique de Londres, tout en bois, est une belle réussite architecturale qui loge probablement dans ses entrailles un monstre technologique. On se retrouve plus qu’à un concert, quelque part entre la séance de cinéma en trois dimensions (avec deux «séances» par jour le week-end) et le parc d’attractions. Les concerts sont prévus jusqu’en octobre, mais il n’est donc pas prévu de tournée, qui serait trop lourde à organiser.

Impression de regarder un film

La foule était conquise d’avance. Les grands tubes ont été assurés. Les nouvelles chansons marchent d’ailleurs nettement moins bien auprès d’une foule qui souhaite simplement retrouver une bulle de la fin des années 1970, comme on déguste une friandise trop sucrée. Passé les premières minutes bluffantes, la magie du concert se craquelle légèrement. Un vrai groupe de musique est sur scène pour briser un peu l’impression de regarder un film. Mais plusieurs chansons sont uniquement accompagnées d’un dessin animé, sans même la «présence» des quatre avatars.

ABBA a choisi de faire un clin d’œil au concours Eurovision de 1974, quand le groupe fut soudain révélé au monde avec Waterloo. Il se contente pour cela de projeter des clips de l’époque. L’impression de quitter le concert et de regarder un documentaire s’immisce progressivement. A moins qu’il ne s’agisse d’un instant de vérité, une façon volontaire de rappeler que ce spectacle époustouflant n’est pas réel.

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A la fin du spectacle, dans une mise en abyme ultime, les quatre «vrais» membres du groupe apparaissent pour saluer la foule. Les rides sont de retour, les dos légèrement voûtés. Il s’agit, pourtant, encore une fois, de simples images de synthèse. La foule n’en a cure: elle applaudit à tout rompre. Elle sait bien entendu parfaitement qu’elle salue des images vidéo de personnes qui ne sont ni présentes ni réelles. Mais est-ce que la réalité a encore un sens?

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Eric Albert(Londres, correspondance)

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